Collectif de plasticiens arts numériques_Articles de réflexions sur les usages et les pratiques des nouvelles technologies appliquées dans le domaine de la création.

21 mars 2007

Rencontre[s]


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La rencontre évoque l'idée de croisement, de hasard, de non-attendu. La rencontre évoque immanquablement la relation et immédiatement, l'idée du sentiment - amoureux, surtout.

Si la rencontre est livrée ainsi à cette notion d'inattendu, elle est livrée du même coup à la fatalité : voire à la Providence (vous savez, cet orage, cette eau du ciel qui étanche la soif dans le désert des westerns, la cavalerie qui arrive juste à temps etc.). Elle relève aussi de la croyance.

On n'attend pas forcément la rencontre, mais lorsqu'elle se produit, on en attend beaucoup. Sans doute trop ? La rencontre produit de la relation. Ou rien parfois. Mais le "rien" est une déconvenue, toujours. Qui dit relation dit projection, qui dit projection dit narcisse, psyché, représentations. La rencontre est aussi celle des esprits : ce qui signifie dans notre langage, un accord, un avis partagé, un lieu commun... En même temps qu'une compétition, un ...duel. (!) Dans chacun de ces qualificatifs, nous retrouvons les emplois du vocabulaire amoureux. La rencontre amoureuse serait donc une rencontre banale mais exclusive? Un parangon exacerbé qui mettrait en lumière la nature de toute rencontre et en déploierait toutes les facettes? La rencontre porte un espoir. Celui de trouver avec un autre, un accord, ou - pour les plus sages d'entre-nous - un compromis.

Qu'attend au plus profond de son inconscient chacun d'entre-nous? D'être compris dans la relation, dans sa relation à l'autre. L'autre, vaste sujet... L'autre complémentaire (duel), l'autre même (jusqu'à l'homosexualité...), l'autre qui résume (un peu de ci un peu de ça)... Nous entrons là dans le monde des mythes divers et variés, avec son cortège de symboles, de clichés, d'attendus.


Que nous disent la littérature, et les écrits mystiques ?


Pour les Judéo-chrétiens, la rencontre EST amour. L'amour EST don. Le don EST sacrifice. Mais aussi, l'amour EST verbe. Le verbe... Si j'ai bien compris c'est Dieu. Donc Dieu est amour.
C'est une compile.

Dans la littérature, plus généralement : l'amour, c'est beau, c'est attirant, c'est irrésistible, mais ça fait mal. Autre façon de dire la même chose. Le sage Ulysse refusera l'éternité pour retrouver après un long voyage, son pays et ...sa femme. La patiente Pénélope qui tisse le jour et détisse la nuit pour décourager ses prétendants. Pénélope, moins belle que ces créatures et déesses rencontrées, mais tellement inscrite dans la vie et le...trajet humain. Orphée et Eurydice ne pourront se réunir que dans la mort... Je vous passe Dante et son inaccessible Béatrice. La muse du poète...

L'amour a malgré tout plusieurs objets (sujets?), ou déplacement du désir ; pour faire psy. Au passage, c'est aussi le processus à l’œuvre dans la transcendance et la création artistique... Selon les pathologies.

Dans la rencontre qui produit de la relation, il y a aussi le sentiment de la perte.

Est-ce le corollaire de tout enrichissement ?
La tension et le paradoxe qui se produisent lorsque l'on se risque à entrer en relation. A recevoir et à donner. Nous avons là en même temps que le désir, l'espoir et l'attente, un autre ingrédient qui est la peur. Peur de revenir à l'état antérieur (la solitude), peur de s'abîmer au contact de l'autre (perversion), peur de ne pas recevoir autant que l'on a donné, peur de l'abandon...
Dans le même temps que nous désirons tant aimer et être aimé, nous le redoutons.

Notre époque post-moderne a digéré tout cela et nous recrache, dans ses oripeaux clinquants et médiatiques, la face visible de l'iceberg : notre solitude, notre solitude et encore notre solitude.

Dans le syncrétisme (et le révisionnisme actif) des mythes au profit de « la performance », le dogme néo-fasciste post-moderne nous ressert du conte de fée entre deux tranches d’efficacité.

Autrefois des princes exotiques, venus de lointaines contrées, venaient délivrer des princesses enfermées dans des châteaux gardés par de féroces dragons.

Aujourd’hui, à un glissement technologique près, rien n'a changé : le plus gros site de rencontre sur Internet ne s’appelle-t-il pas World of Warcraft ?

Toi Tarzan, moi Jane, moi princesse toi mon héros... Allez, je rigole!

Toi mon miroir, toi ma perte.

Quel miroir, quelle perte ?